Depuis sa création en 1299, l’Empire ottoman était organisé sur le modèle islamique de la dhimmitude qui a mué en système de millets par la suite : le citoyen musulman occupe la première place tandis que le chrétien, le juif et les autres religions occupent la deuxième ou la troisième ou aucune place dans la hiérarchie de l’organisation de la société ottomane.
En 1789, les idées de la Révolution Française se propagent dans le monde entier. Les peuples dominés réclament leur liberté au nom des Droits de l’Homme et de la démocratie. Les Etats européens, notamment la France et la Grande Bretagne, demandent à l’Empire ottoman de donner les mêmes droits à tous les citoyens sans distinction ethnique ou religieuse. Une première Constitution sera promulguée en ce sens en 1876. Deux ans plus tard, le Sultan Abdulhamid II suspend la Constitution et les droits des Assyriens(Syriaques) et des autres chrétiens de l’Empire sont à nouveau remis en cause par le pouvoir central.
L’Empire ottoman commence à voir ses concitoyens de confession chrétienne comme « les ennemis de l’intérieur » car ils constituent un prétexte pour les puissances occidentales pour s’ingérer dans ses affaires. Le Sultan Abdulhamid II mène une propagande panislamique et antichrétienne à l’intérieur du pays. Il crée les fameuses bataillons appelés les Hamidiyés qui sont composés de supplétifs Kurdes armés par le Sultan pour mener des razzias et des nettoyages ethniques dans les régions à majorité chrétienne (Sud et Est de la Turquie actuelle) durant tout son règne (1878-1908). A titre d’exemples : les massacres organisés en 1895 feront plus de 200.000 morts parmi les Assyriens(Syriaques), les Arméniens et les Grecs; en 1909, sous le gouvernement jeune-turc du partiIttihad et Terraki plus de 20.000 Arméniens et Assyriens(Syriaques) de Cilicie seront exterminés de façon méthodique et préméditée. Les prétendus protecteurs des Chrétiens d’Orient (France, Angleterre et Russie) n’agiront que dans leurs propres intérêts et ne seront pas assez exigeants pour demander des comptes sur ces nettoyages ethniques à l’Empire ottoman.
Le mouvement « Jeune-Turc » qui créa le parti « Ittihad et Terakki » (Union et Progrès) profite de la faiblesse du Sultan pour s’accaparer du pouvoir en 1908. Déguisé sous un discours démagogique mettant en avant la démocratie, l’égalité des citoyens et le partage du pouvoir, ce parti ultranationaliste créé par Ziya Gökalp et ses compagnons (les trois Pachas : Talat, Enver, Cemal et le futur Atatürk) va créer les conditions qui conduiront au génocide de 1915. En effet il prône la création d’une nation turque selon une doctrine alliant nationalisme turc et islam. Ainsi, toutes les autres nations vivant en Asie Mineur qui ne rentrent pas dans ce moule doivent être éliminées.
Même si les archives du l’Etat turc sont très fermées et restent presque inaccessibles, toutes les recherches et les sources existantes à ce jour prouvent tout de même que tous les Chrétiens – Assyriens(Syriaques), Arméniens et Grecs pontiques - ont subi les exactions suivantes : massacres en masse, expropriations, expulsions, enlèvements (particulièrement des femmes et des adolescentes, parmi les plus jolies), mariages forcés, conversions forcées à l’islam, famines organisées (notamment dans des camps de concentration édifiés en zone désertique), marches de la mort, déportations et, finalement, exécutions directes.
Ces crimes furent commis par les génocidaires turcs et leurs supplétifs kurdes de 1894 à 1923, soit bien au-delà du génocide proprement dit de l’été 1915, et ce sous les régimes du Sultan Abdul Hamid II, des Jeunes-Turcs et de Mustapha Kemal Atatürk [28]. Dans son ouvrage "Le génocide oublié", Sébastien de Courtois, explique que "Jamais le phénomène du génocide de 1915, du moins dans la province de Diyarbakir, n'aurait pu se réaliser avec une telle ampleur, ni même se comprendre, sans considérer les vagues successives des massacres commencées depuis plusieurs décennies." [7]
Les massacres prémédités et organisés en 1915 ne constituent donc pas un élément isolé de l’histoire turco-ottomane, mais un point d’orgue dans une opération de nettoyage ethnique qui s’étala sur des siècles et s’accéléra dans la moitié du 19e siècle pour finalement atteindre son apogée au début du 20e siècle (pour plus de détails voir les sources [3] [7] [12] [21] [25] [31]).
A l’occasion de la 99è commémoration du Seyfo, Joseph Yacoub, Professeur honoraire en science politique de l’Université catholique de Lyon et auteur de plusieurs ouvrages, déclara dans son discours : "Les Assyro-Chaldéens ont été victimes d’un génocide physique, culturel, religieux et territorial à caractère géopolitique, prélude à leur errance, leur déracinement et leurs souffrances qui continuent à déchirer la communauté. Ces massacres ont eu lieu sur une vaste échelle. Les Assyro-Chaldéens ont été massacrés en 1915-1918 dans les mêmes conditions et presque sur les mêmes lieux que leurs frères et sœurs arméniens et dans un dessein analogue, qui visait délibérément, selon des plans définis et des objectifs déterminés par Constantinople, en vue d’homogénéiser l’Empire, la suppression de tout groupe ethniquement non turc. [...] La précision et la factualité de très nombreux documents confirment d’une manière irréfutable et par des preuves inattaquables et concordantes la tragédie. " [30]
Il existe une multitude d'ouvrages et de documentations dans plusieurs langues (français, anglais, russe, allemand, arabe et syriaque) et traitant avec précision des massacres commis à l'encontre des Arméniens et des Assyriens(Syriaques) en même temps. Les sources datant de l'époque du génocide sont principalement des témoignages avec les premières estimations du nombre de victimes alors que les plus récentes démontrent le caractère génocidaire de ces massacres en précisant le nombre de victimes et en publiant des nouvelles preuves de ce génocide. A cela, nous pouvons ajouter les romans dont l'histoire se passe durant le Seyfo ou qui ont comme toile de fond le génocide de 1915, tous basés sur des faits réels ou des témoignages des rescapés.
Ouvrages principaux d'époque
En septembre 1916, Abraham Yohannan [33], assyrien d’Ourmiah, Professeur de langues orientales à l'Université de Columbia aux Etats-Unis, a publié un livre, significatif déjà quant à son titre : The Death of a Nation (la mort d’une nation). [30]
Aux Etats-Unis, les comités de soutien pendant la guerre englobaient les deux communautés arménienne et assyrienne(syriaque), comme l’important American Committee for Armenian and Syrian Relief. Ce comité, très actif, fournissait une aide depuis novembre 1915, à laquelle contribua la Fondation Rockefeller.Membre de ce comité, le professeur William Walker Rockwell [22] a publié un livre, de 72 pages, en 1916, consacré aux atrocités commises contre les Assyriens(Syriaques), intitulé : The Pitiful Plight of the Assyrian Christians in Persia and Kurdistan (Le sort pitoyable des chrétiens assyriens en Perse et au Kurdistan). [30]
A partir d’octobre 1915, l’Angleterre s’intéresse de près au génocide arménien et des autres chrétiens de l’Empire. Le Blue Book britannique [6] : The Treatment of Armenians in the Ottoman Empire (Le traitement des Arméniens dans l'Empire ottoman), dans sa version originale anglaise, traite aussi du génocide des Assyriens(Syriaques), où plus de 100 pages leur sont consacrées. [30]
Les témoignages français sont également très nombreux. En 1917 paraît à Paris, le livre d’Eugène Griselle [13], sous le titre : Syriens et Chaldéens, leurs martyres, leurs espérances, 1914-1917 dans lequel l’auteur décrit les massacres d’après les mémoires recueillis auprès des Assyriens(Syriaques) et des Sœurs de St. Vincent de Paul. [30]
Joseph Naayem, prêtre chaldéen, et Isaac Armalet, prêtre syriaque, ont tous deux échappé aux massacres. Ces témoins osculaires ont recueilli plusieurs témoignages d'Assyriens(Syriaques) et d'Arméniens et les ont écrits secrètement en les cachant dans des endroits insolites. A la fin des massacres, Isaac Armalet composa un livre volumineux en arabe, avec une préface en français, qui paru en 1919 à Beyrouth, intitulé : Al-Qousara fi Nakabat Annasara (Les calamités des chrétiens) [4]. Joseph Naayem écrivit un livre en français, qui paru en 1920 à Paris, dont le titre, en lui-même, est très évocateur : Les Assyro-Chaldéens et les Arméniens massacrés par les Turcs [18].
Plusieurs missionnaires et religieux français (capucins, dominicains et jésuites) présents sur les lieux témoignent des arrestations, des déportations et des massacres dont ils ont été témoin. Un grand nombre de leurs dépêches, leurs rapports, leurs lettres ou leurs livres peuvent être consultées sur le site internetwww.leonardmelki.org/web [35]. Citons en particulier, le livre de Jacques Rhétoré : Les chrétiens aux bêtes publié en 2005 [21] et celui d'Hyacinthe Simon : Mardin la ville héroïque, Autel et Tombeau de l’Arménie durant les massacres de 1915 publié en 1991 [23].
Ouvrages principaux récents
Dans son ouvrage publié en 2005 : The Dark Side of Democracy: Explaining Ethnic Cleansing (Le côté obscur de la démocratie : Explication des nettoyages ethniques), Michael Mann a développé un schéma sociologique général qui compare le génocide des Arméniens à celui des Juifs sous le régime Nazi, celui du Rwanda, celui de Bosnie et d’autres crimes de grandes masses sous certains régimes communistes, pour prouver qu’ils suivent tous les mêmes plans d’exécution [17].
Les travaux d’Yves Ternon montrent en détails les structures mises en place pour préparer le génocide de 1915, les personnes qui les ont planifiés ainsi que ceux qui ont commis les massacres, en particulier dans son livre publié en 1996 :Les Arméniens, histoire d'un génocide [24]. En 2006, Raymond Kévorkian publie Le Génocide des Arméniens dans lequel il raconte non seulement l'histoire, mais aussi la "géographie" exhaustive du génocide de 1915, région par région avec des statistiques concernant les Arméniens et les Assyriens(Syriaques). Dans ses cartographies, nous pouvons voir que ces deux peuples vivaient sur les mêmes territoires et subirent exactement les mêmes exactions [16].
Taner Akçam, historien turc vivant en exil et spécialiste des archives ottomanes, clôt définitivement le débat sur la question de la responsabilité. A partir d'une analyse rigoureuse de documents militaires et judiciaires inédits, ainsi que des minutes des débats parlementaires, des correspondances privées et des comptes rendus de témoins oculaires, dans son livre : Un acte honteux : Le génocide arménien et la question de la responsabilité turque (traduit du turc en 2012), il montre de manière irréfutable que le génocide fut soigneusement planifié et exécuté par le parti au pouvoir à l'époque [1].
De même, Fuat Dündar, dans ses livres écrits en turc, démontre comment, bien avant les massacres de 1915, la totalité de la population de l’empire fut mise en fiches, région par région, ethnie par ethnie, religion par religion, … [8] [9] Chaque groupe ethnique fut évalué suivant son degré d’utilité au projet du parti Union et Progrès. Ainsi les populations chrétiennes furent considérées comme le plus grand danger qu’il fallait éliminer au plus vite. Les populations musulmanes non turques (Kurdes, Lazes, Tcherkesses ou Arabes) furent, quant à elles, manipulées au nom de l’islam afin d’exécuter la salle besogne aux cotés de l’armée régulière.
Il existe un grand nombre d'autres livres qui traitent le sujet. Citons notamment celui de Sebastien de Courtois : Le génocide oublié (traduit également en anglais) [7], ou encore celui de Gabriele Yonan : Ein vergessener Holocaust: Die Vernichtung der christlichen Assyrer in der Turkei (Un holocauste oublié: La destruction des Assyriens chrétiens en Turquie) [34].
Dans sa thèse de doctorat en quatre volumes intitulée La question assyro-chaldéenne, les puissances européennes et la Société des Nations (1908-1938), Joseph Yacoub procède à une investigation historique mais également politique et diplomatique du cas des Assyriens(Syriaques) du point de vue des relations internationales notamment en rapport avec les puissances européennes. Il parle de l'espoir né après le Seyfo mais surtout des désillusions qui en résultèrent [29]. Dans son nouveau livre publié récemment sous le titre Qui s'en souviendra ? 1915 : le génocide Assyro-Chaldéo-Syriaque, partant de la définition du terme "génocide", il démontre point par point par des preuves historiques que le Seyfo colle à cette définition. [31]
De même, dans ses travaux, David Gaunt démontre en détails que le Seyfo suit aussi la structure planifiée d’un génocide, avec plusieurs documents de l’époque à l’appui ainsi qu'une multitude de témoignage recueillis par Jan Beth Sawoce auprès des rescapés du Seyfo ou de leurs enfants. Ils publièrent tout cela en 2006 dans un livre intitulé : Massacres, resistance, protectors: Muslim-Christian relations in Eastern Anatolia during World War I (Massacres, résistance, protecteurs: les relations islamo-chrétiennes en Anatolie orientale durant la Première Guerre mondiale) [12].
Déjà en 2000, Ninos Warda dans son livre : Seyfo in the international laws(Seyfo, dans les lois internationales), apporte les preuves que les massacres commis contre les Assyriens(Syriaques) relèvent bien d'un génocide selon les définitions apportées dans les lois internationales [26].
Citons également les livres suivant qui viennent de paraître tous en 2014.
Kemal Yalcin, un écrivain turc, vient de publier une œuvre impressionnante en trois volumes (plus de 2000 pages au total) dont le titre est Suryaniler ve Seyfo(Les Syriaques et le Seyfo). Ses livres décrivent les souffrances que le gouvernement turc a fait subir aux Assyriens(Syriaques) depuis le génocide de 1915 jusqu'au jour d'aujourd'hui. [32]
Dans Chroniques de massacres annoncés, Les Assyro-Chaldéens d'Iran et du Hakkari face aux ambitions des empires (1896-1920), Florence Hellot-Bellier retrace les événements, mais aussi les conditions qui ont abouti aux massacres entre 1915 et 1918 des chrétiens assyro-chaldéens et arméniens de l’Est de la Turquie et de l’Iran.[14]
Stille Schreie : 1915, als die Welt schwieg (Cris silencieux : 1915, quand le monde était silencieux) de Musa Ergin est un livre historique écrit d'une manière romancée. Il met en évidence la non action des pays européens face à la tragédie des Assyriens (Syriaques). [10]
Doctorant à l'Université Catholique de Louvain, Fikri Gabriel s'intéresse à l'action du Vatican autour du génocide des Assyriens(Syriaques). Il a présenté son mémoire de Master en 2014 sous le titre L’attitude du Saint-Siège face au Seyfo, le génocide des Syriaques de 1915. [11]
La reconnaissance du Seyfo et le négationnisme de l'Etat turc
En décembre 2007, l’Association Internationale des Universitaires Spécialistes des Génocides (IAGIS) déclare dans une de ses résolutions que « c’est la conviction de l’IAGIS que la campagne contre les minorités chrétiennes de l’Empire ottoman entre 1914 et 1923 constitue un génocide contre les Arméniens, les Assyriens, les Pontiens et les Grecs de l’Anatolie ... » et « ...invite le gouvernement turc à reconnaître les génocides contre ces populations, à présenter des excuses officielles, et à prendre rapidement des mesures importantes pour les réparations. » [25]
En résumé, nous pouvons dire qu'actuellement, tous les chercheurs sur les génocides s’accordent à dire qu’en 1915 les Assyriens(Syriaques) et les Grecs pontiques ont été exterminés dans des conditions analogues et avec des méthodes semblables à celles utilisées par les Ottomans dans le cadre du génocide perpétré à l’encontre des Arméniens avec trois phases principales :
1) intimidation, idéologie d’infériorisation, élimination des intellectuels, …
2) massacre d’un grand nombre de la population, déportations, conversions forcées, famines organisées, …
3) déni du génocide et impunité des auteurs.
Comme dans tout génocide, le nombre précis des victimes est très difficile à chiffrer et en particulier pour le Seyfo car à cette époque les outils de communications sont presque inexistants en comparaison avec notre époque. Malgré tout, des personnes (religieux, attachés d’ambassades, voyageurs,…) ont essayé de prendre des notes des massacres dont ils ont été les témoins oculaires ou racontés par d’autres personnes. Plusieurs tableaux chiffrés des populations qui ont subi ces massacres se trouvent dans les livres de Jacques Rhétoré [21], de Sébastien de Courtois [7], David Gaunt [12] ou encore de Raymond Kévorkian [16].
Le prêtre syriaque Suleyman Hinno récolta les témoignages des survivants du Seyfo dans différents villages de la région du Tur Abdin. Dans son livre : Gunhe d'Suryoye d'Turabdin - 1915 (Les percécutions des Syriaques du Tur Abdin - 1915) initialement écrit en syriaque en 1987, puis traduit en allemand, en turc, en suédois et en néerlandais, il raconte les massacres qui ont eu lieu dans chacun des villages. Il fait également le décompte du nombre de foyers dans ces villages en 1987 comparé à celui de 1915 [15].
Sir Henry Robert Conway Dobbs, haut-commissaire du Royaume d’Irak sous mandat britannique de 1923 à 1929, estimait à cette époque que les Assyriens(Syriaques), persécutés et massacrés dans tout l’Empire ottoman, avait perdu environ deux tiers de leur peuple [28]. L’Agence d’informations assyrienne(syriaque) AINA évoque ainsi 750.000 morts, soit les trois quarts de la population assyrienne(syriaque) de l’Empire ottoman. On compte également 1,5 million de victimes arméniennes et 500.000 victimes grecques, soit un total d’environ 2,75 millions de chrétiens orientaux exterminés [25].
Sabri Atman, chercheur et président de Seyfo Center[2], a fait la déclaration suivante lors d’une allocution à la Chambre des Communes de Londres, le 24 janvier 2005 : « La Turquie a été homogénéisée, et cela est uniquement dû aux exterminateurs. Il n’est pas exagéré de prétendre que la prospérité économique et les succès des élites politiques en Turquie n’ont pu être réalisés que grâce au génocide des Chrétiens. Et je n’ai pas entendu parler de recherches sérieuses sur ce sujet en Turquie à ce jour. » [5]
En effet, la majorité des intellectuels et des historiens turcs soutiennent les thèses négationnistes du régime en place depuis 1915 sous peine d’emprisonnement, d’exil ou de mort ! Ils sont rares ceux qui osent aller à contre-courant de la thèse officielle. Et pour cause, le 16 décembre 2005, un procès sera ouvert contre l’écrivain turc Orhan Pamuk (prix Nobel de Littérature), pour des propos considérés comme une « insulte à l’identité nationale turque » et passible à ce titre de six mois à trois ans de prison.
Un autre exemple flagrant, est celui de Hrant Dink, directeur du journal arménien Agos tué le 19 janvier 2007 à Istanbul. Aucun suspect n’a été inquiété jusqu’à présent. Pire, les policiers qui avaient arrêté un suspect, l’avaient présenté comme « un héro national » ! Chaque année, le 24 avril, Assyriens(Syriaques) et Arméniens commémorent le génocide de 1915. A la même période, des jours durant, les médias turcs (écrits, radio, télévision, internet, ...) publient de faux reportages et rejettent toute responsabilité dans ce premier génocide du XXè siècle. Les déclarations négationnistes des officiels de l’Etat turc (Président de la République, Premier Ministre, …) s’enchaînent à tour de rôle. Des exemples similaires sont très nombreux et peuvent être consultés dans les différentes références proposées à la fin de ce document.
Les régions du Tur Abdin et du Hakkari (sud-est de la Turquie) étaient autrefois majoritairement peuplées par les Assyriens(Syriaques). A ce jour, malheureusement, seuls quelques milliers d’entre eux y habitent encore. Les conséquences directes et indirectes du génocide de 1915 (massacres de masses programmées, conversions forcées à l’Islam, persécutions, intimidations, …) ont amené la grande majorité des rescapés assyriens(syriaques) à fuir cette région pour s’installer dans les pays occidentaux (Europe, USA, Canada). Cependant, bien qu’ils vivent loin de leur terre, la plupart y restent attachés. C’est pourquoi, ils œuvrent à faire reconnaître le Seyfo de part le monde afin de faire face au négationnisme de la République de Turquie. Ils veulent aussi alerter l’opinion publique mondiale sur les menaces d’extermination bien réelles qui pèsent aujourd’hui encore sur les peuples chrétiens du Proche-Orient en général et de Turquie en particulier.
Malgré les intimidations et les menaces de l’Etat turc, les efforts de la diaspora assyrienne(syriaque) donnent leurs fruits dans les démocraties occidentales : des états commencent à reconnaître officiellement le Seyfo : la Suède en 2010 et l'état de New South Wales d'Australie en 2013. De même plusieurs monuments commémorant le Seyfo sont déjà érigés dans plusieurs pays : France, Australie, Canada, Arménie, Etats-Unis et Belgique.
En Belgique, la communauté assyrienne(syriaque) n’est certes pas aussi importante que dans d’autre pays comme l’Allemagne ou la Suède, mais néanmoins près de 20.000 Assyriens(Syriaques) vivent principalement à Bruxelles, Malines, Anvers et Liège. Elle tente de faire entendre sa voix du mieux qu’elle peut. Pour mettre en exergue cette communauté et rendre hommages aux victimes du nationalisme turc-ottoman et du négationnisme turc, l’Institut Syriaque de Belgique et Seyfo Center ont inauguré le 4 août 2013 un monument dédié aux martyrs assyriens(syriaques) sur le site du sanctuaire de Banneux (Province de Liège). Les témoins oculaires n'étant plus vivants, c'est ce monument qui sert de témoin et de relais pour les générations futures afin de ne pas oublier ce qui s'est passé et de rendre hommage aux victimes.
En 2015, les Assyriens(Syriaques) commémoreront la 100e année du Seyfo. Plusieurs événements de sensibilisation et d'hommages auront lieu en Belgique. En particulier, une exposition itinérante sur le Seyfo sera organisée.
Par cette exposition, les Assyriens(Syriaques) de Belgique en collaboration et avec le soutien de tous les démocrates de Belgique vaudraient montrer leur attachement à la défense des valeurs universelles des Droits de l’Homme.
Plus que jamais, aujourd’hui comme demain, la vigilance démocratique doit être de mise. Il faut défendre les valeurs démocratiques acquises au terme des souffrances et de deux guerres mondiales. Cette défense passe par la justice, le maintien et le développement dans la mémoire collective des faits liés aux génocides en général et au Seyfo en particulier car celui-ci est toujours nié par l’Etat turc et parce qu’il est peu connu du grand public.
Il n’existe pas de démocratie sans réelle justice et sans mémoire. Nous serons amenés à revivre de pareils faits dans le futur si nous ne passons pas le relai de la mémoire sur les ravages des génocides aux générations suivantes.
Nous tenons à préciser que le maintien et le développement de la mémoire du génocide Seyfo doivent se faire en diffusant un message de paix et de respect mutuel entre les deux peuples concernés.
Nous avons tous un devoir de mémoire envers les innocents tués en 1915 et en particulier les Assyriens(Syriaques). Sébastien de Courtois : "Les Syriaques furent les victimes oubliées, et parfois même méprisées, de cet horrible bain de sang, précurseur de tous les génocides du XXe siècle. Notre mémoire universelle ne peut se permettre d'ignorer ces évènements." [7]
Seyfo 1915, plus jamais !
Seyfo 1915, never again !
Seyfo 1915, nie wieder !
Seyfo 1915, nimmer meer !
Information et Contact
Institut Syriaque de Belgique
Rue de l’Arbre Sainte Barbe, 353
4000 Liège-Belgique
institut.syriaque@gmail.com
http://www.institut-syriaque.net
Sources et Bibliographie :
[1] Akçam Taner, « Le génocide arménien et la question de la responsabilité turque », 2012
[2] Alaux Robert, « Les derniers Assyriens », documentaire de 53 minutes, 2003
[3] Alaux Robert, « Seyfo, l’élimination », documentaire de 53 minutes, 2006
[4] Armalet Isaac, « Al-Qousara fi Nakabat Annasara » (Les calamités des chrétiens), 1919
[5] Atman Sabri, "Seyfo 1915, Le génocide Assyrien", allocution du 24 janvier 2005 devant la Chambre des Communes de Londres le, à l'occasion de la conférence organisée par l'institut Firodil.
[6] Bryce James and Toynbee Arnold, « The Treatment of Armenians in the Ottoman Empire», initialement en 1916, version non censurée en 2000
[7] De Courtois Sébastien, « Le génocide oublié : Chrétiens d'Orient, les derniers araméens », 2002
[8] Dündar Fuat, « Ittihat ve Terakki’nin Müslümanlari Iskan Politikasi » (La politique d'installation des musulmans menée par le Comité Union et Progrès), 2001
[9] Dündar Fuat, « Modern Türkiye’nin Sifresi, Ittihat Ve Terakki’nin Etnisite Mühendisligi (1913-1918) » (Le Chiffre de la Turquie moderne. Ingénierie ethnique du Comité Union et Progrès (1913-1918)), 2008
[10] Ergin Musa, « Stille Schreie : 1915, als die Welt schwieg », 2014
[11] Gabriel Fikri, « L’attitude du Saint-Siège face au Seyfo, le génocide des Syriaques 1915.»Mémoire universitaire (Master UCL), 2014
[12] Gaunt David et Beth Sawoce Jan, « Massacres, resistance, protectors: Muslim-Christian relations in Eastern Anatolia during World War I », 2006
[13] Griselle Eugène, « Syriens et Chaldéens, leurs martyres, leurs espérances, 1914-1917», 1917
[14] Hellot-Bellier Florence, «Chroniques de massacres annoncés, Les Assyro-Chaldéens d'Iran et du Hakkari face aux ambitions des empires (1896-1920)», 2014
[15] Hinno Suleyman, « Gunhe d'Suryoye d'Turabdin - 1915 » (Les persécutions des Syriaques du Tur Abdin - 1915), 1987
[16] Kévorkian Raymond, « Le Génocide des Arméniens », 2006
[17] Mann Michael, « The Dark Side of Democracy: Explaining Ethnic Cleansing », 2005
[18] Naayem Joseph, « Les Assyro-Chaldéens et les Arméniens massacrés par les Turcs », 1920
[19] Nouvelles d’Arménie, Magazine, 18 janvier 2008
[20] Nouvelles Œcuméniques, périodique trimestriel n°3, 18ème année, juillet-août-septembre 2009
[21] Rhétoré Jacques, « Les chrétiens aux bêtes : Souvenirs de la guerre sainte proclamée par les Turcs contre les chrétiens en 1915 », 2005
[22] Rockwell William Walker, « The Pitiful Plight of the Assyrian Christians in Persia and Kurdistan », 1916
[23] Simon Hyacinthe, « Mardine la ville héroïque, Autel et Tombeau de l’Arménie durant les massacres de 1915», 1991
[24] Ternon Yves, « Les Arméniens, histoire d'un génocide », 1996
[25] Timmermans Eric, « SEYFO 1915 : l’histoire niée et occultée du génocide assyrien »,http://fr.novopress.info/131680, 9 février 2013
[26] Warda Ninos, « Seyfo in the international laws », 2000
[27] Wikipédia, « Génocide assyrien », http://fr.wikipedia.org/wiki/Génocide_assyrien
[28] JC Durbant Worldpress, « Génocide assyrien : la continuation du jihad par d’autres moyens – Turkey’s other forgotten Christian genocide »,http://jcdurbant.wordpress.com/2007/12/27/
[29] Yacoub Joseph, « La question assyro-chaldéenne, les puissances européennes et la Société des Nations (1908-1938) », thèse de doctorat, 1985
[30] Yacoub Joseph, « Le génocide assyro-chaldéen », discours du 24 avril 2014 à Lyon à l'occasion de la 99è commémoration du génocide arménien
[31] Yacoub Joseph, « Qui s'en souviendra ? 1915 : le génocide Assyro-Chaldéo-Syriaque », 2014
[32] Yalcin Kemal, « Suryaniler ve Seyfo » en trois volumes, 2014
[33] Yohannan Abraham, « The Death of a Nation », 1916
[34] Yonan Gabriele, « Ein vergessener Holocaust: Die Vernichtung der christlichen Assyrer in der Turkei», 1989
[35] Site internet dédié à Léonard Melki : http://www.leonardmelki.org/web
Seyfo est le nom que les syriaques utilisent pour désigner le génocide de 1915. Littéralement, le terme « seyfo » signifie « épée » ou « sabre » en langue syriaque. Dans la mémoire collective du peuple syriaque, le mot Seyfo rappelle les atrocités subies durant ce génocide.
En effet, en 1915, l’Empire ottoman organise un génocide contre trois peuples chrétiens : les syriaques, les Arméniens et les Grecs du Pont. Si le cas arménien est plus connu dans le monde, ce n’est pas le cas des deux autres. L’objet de ce document est de mettre en lumière le cas syriaque.
SEYFO GENOCIDE